De toute les histoires qui peuvent être contées dans ce monde, celle de Maegen n'est certainement pas la plus intéressante. Ni même la plus extraordinaire. Pourtant, malgré tout, elle me parait importante. Pourquoi ? Sans doute car la jeune femme m'a montré que quelques soient les obstacles, il est toujours possible de s'en sortir. Dès l'instant où l'on choisit de se battre. Car après tout, la vie n'est-elle pas une suite de combats ?

Le départ du père. Voilà le premier fait marquant de la vie de Maegen. Celle-ci n'avait que cinq ans lorsque celui-ci disparu. Disparu, c'était bien le mot. Comme évaporé, absorbé par le monde, la patriarche s'était envolé un beau matin, laissant sa femme, Gaïa, seule sans aucune information. La pauvre femme ignorait le destin de son époux. Était-il mort ? Avait-il pris la fuite ? Gaïa n'en savait rien, seulement, elle ne pouvait s'empêcher de penser à l'évidence. L'homme s'en était allée car elle n'était plus à la hauteur. Moins jolie, plus aigrie. Aux interrogations des curieux, la femme répondait avec un sourire triste, affirmant que son mari était malade et qu'il avait rejoint de la famille pour tenter de se rétablir, mais en son coeur, une ombre noire se propageait et la grignotait jusqu'à la réduire à néant. Peu à peu, le village comprit qu'il y avait anguille sous roche, seulement, beaucoup préféraient se taire. Une aubaine pour Gaïa de vivre dans une cité où tout le monde se fichait des autres en fin de compte.
Pour Maegen, l'épreuve n'en fut pas moins douloureuse. Certes plus jeune et sans doute moins consciente de la triste réalité, elle sentait un vide dans sa poitrine qui se creusait au fil des jours. La rouquine avait toujours été proche de son père, il était un véritable modèle pour elle qui était un vrai garçon manqué. Plus elle grandissait, plus le trou béant devenait profond. Et sans doute, l'attitude de sa mère creusait plus encore celui-ci.
Si les deux premières années n'avaient été que tristesse et larmes, l'aigreur avait fini par l'emporter. Gaïa avait commencé à ressentir un profond ressentiment pour sa fille unique. La naissance de celle-ci avait déformé son corps. Et à présent, elle était sa seule entrave pour un remariage. Personne ne voulait s'occuper d'une gamine que l'on disait casse-cou. Bien sûr, si la mère prenait sur elle pour ne rien laisser paraître, les années finirent par avoir raison de sa volonté.
Cela commença par une insulte. Puis un coup. Puis des méchancetés, lancées au fil des jours. Intelligente, Maegen ne préférait pas les écouter. Bien sûr, cela la blessait. Bien sûr, elle ne supportait plus de devoir vendre ses affaires, d'écumer les poches des visiteurs lorsqu'elle se rendait à Edoras, d'assumer à dix ans et à elle seule, la vie de famille. Cependant, elle savait pertinemment que si elle ne se battait pas, personne ne le ferait pour elle. Elle avait déjà assez perdu pour se laisser aller. Un père. Un mère. La jeune enfant prenait même sur elle pour supporter le gros porcs que Gaïa lui imposait chaque nuit. Elle se bouchait les oreilles pour ne pas entendre sa mère gémir. A vrai dire, elle voulait croire en un avenir meilleur. Croire en la vie. Mais tout bascula à ses treize ans.

Dis comme ça, vous vous attendez  à un événement surprenant. A un aventure inattendue. Mais il n'en n'est rien. Aucun nain, aucun magicien n'est apparu à sa porte. Elle ne croyait même pas à toutes ces légendes. La magie était perfide, tout le monde le savait dans son village. Non, en réalité, ce fut lors de sa troisième année que sa vie prit un nouveau tournant. Elle s'apprêtait à quitter Edoras, où elle avait fait des commissions, lorsque son ami le vieux forgeron l'interpella. Pour beaucoup, le vieil homme était un fou, une vieille carcasse qu'il valait mieux éviter. Et c'était principalement pour ça que Maegen s'était liée d'amitié avec lui. Si tout ces gens fourbes et insipides n'aimait pas cet homme alors celui-ci devait être un homme bien. N'allait pas croire que ce mépris pour ses congénères était apparu du jour au lendemain. En réalité, c'étaient les réflexions et les murmures incessants vis à vis d'elle, de sa famille, de son père qui avait fini par lui faire haïr la majorité de l'espèce humaine. Quoi qu'il en était, Maegen s'était fortement rapprochée du forgeron, et celui-ci, l'interpellant, lui proposa de la prendre en tant qu'apprentie. Bien sûr, cela signifiait quitter sa maison et vivre à Edoras, et la rouquine ne savait pas si cela était une bonne idée. Pourtant, son retour à la maison précipita les choses. Le gros porc qui logeait dans le foyer familial lui tournait autour depuis trop longtemps. Et ce jour là, il céda à ses pulsions. Par chance, Maegen parvint à s'enfuir et à trouver sa mère pour tout lui raconter. Evidemment, celle-ci ne la crut pas. Quel coup classique ! Lui demandant de choisir, Maegen comprit rapidement que sa mère ne voulait plus d'elle ici. Alors sans un mot, elle fit son baluchon et se lança sur le même chemin qu'elle avait pris plus tôt. Edoras l'attendait.

Pour elle, débutait alors une nouvelle vie. Misérable. Rigoureuse. Épuisante. Mais tellement plus agréable. Plus de cris, plus de reproches. Pour la première fois depuis longtemps, Maegen parvint même à se faire des amis. Une fille du nom de Alalia, et deux garçons : Eored, et Terwen. Ensembles, lorsque la jeune fille ne travaillait pas à l'atelier, ils se contaient des légendes, riant de bon coeur et se retrouvant au clair de lune. Une amitié solide se consolida avec Terwen. Il était le frère qu'elle n'avait jamais eu. Inséparables, ils respiraient d'un même souffle. L'amitié avec Alalia et Eored ne connut pas le même destin. Alors que Maegen entamait sa seizième année, Eored lui confia avoir des sentiments pour elle. Si ces sentiments n'étaient pas réciproques, ils avaient cependant eu le mérite de provoquer la fureur d'Alalia qui entra dans une jalousie monstrueuse. Elle cracha sur l'image de la jolie rousse, qui à la fois calme et responsable, l'ignora royalement. Cela l'attristait un peu mais tout ces histoires autour de l'amour, des commérages, ne l'intéressaient pas. En ce temps là, elle rêvait de devenir une femme puissante. N'est-ce pas naturel chez une fille qui n'a reçu aucun cadeau de la vie ? Elle se voyait maniant l'épée, partant à l'aventure et dirigeant des troupes  entières. Mais ces désirs s'évaporèrent peu à peu. Clairvoyante, elle connaissait son avenir. Elle serait forgeronne, et cela serait déjà bien. Mais à nouveau, alors qu'elle n'avait que dix-huit ans, une rencontre bouleversa sa vie.


Il s'appelait Gugwyn, et il venait de loin. Trente ans plus âgée de Maegen, il dégageait un charisme qui ensorcela la belle. Je ne parle pas ici d'amour. Il s'agissait plutôt d'une fascination qui grandissait au fur et à mesure que Maegen discutait avec cet inconnu. Il s'était installé à Edoras pour affaire, et semblait s'intéresser à la rouquine, rencontrée sur le marché de la ville. Maegen ignorait pourquoi, ne sachant même pas ce qu'il lui voulait, quels étaient ses plans, mais avec lui, elle sentait qu'elle pouvait avoir de l'importance. Ils se voyaient en cachette, Gugwyn lui apprenait à lire, à écrire. Il lui contait l'histoire de la Terre du Milieu, lui montrant comment devenir une femme, et user de ses charmes. Bien sûr, Terwen craignait pour son amie. Il ne trouvait pas ce voyageur très net. Pourtant, l'apprentie forgeronne n'écoutait personne. Elle devint le bras droit de Gugwyn. Désertant de plus en plus l'atelier, elle commençait à entrer dans les affaires de son nouvel ami. Intelligent, cynique et cassant, il était la chance que Maegen attendait, celle qui lui permettrait de prendre sa revanche sur la vie.

Vous voyez, l'histoire de la rouquine n'a rien d'original, pourtant, elle est en passe de le devenir. Dans un monde s'effondrant de l'intérieur, la victoire est entre les mains de ceux qui ont la force de caractère nécessaire pour se battre. Et dans ce domaine là, Maegen est sans doute l'une des meilleures.